ABC de la taille
La taille des arbres fruitiers est une arme à double tranchant. Utilisée avec discernement, elle améliore la qualité des fruits et la productivité des arbres. Pratiquée avec excès, elle déséquilibre les arbres, et favorise les maladies et le parasitisme.
L’arbre fait des fruits tout seul
Un jeune arbre qui sort de sa graine commence par grandir. Porter sa charge de fruits suppose une charpente à la fois souple et solide, ce qu’un jeune arbre ne possède pas encore. Il lui faut prendre le temps de se développer avant de fructifier. Cette période juvénile, cette enfance de l’arbre dure plus ou moins longtemps selon les espèces. Chez le noyer de semis, elle dure au moins dix ans. Le pommier est un peu moins lent, huit ans lui suffisent en général, quant au pêcher, il attend rarement plus de trois ans avant de porter ses premiers fruits.
A l’issue de la période survient pour l’arbre un véritable bouleversement. Certains bourgeons, qui jusque-là ne savaient que donner naissance à des rameaux*, subissent une métamorphose interne qui va faire d’eux des boutons floraux. Les arboriculteurs appellent cela « l’induction florale », et un observateur exercé peut repérer, l’hiver qui suit cette transformation, des bourgeons de venus boutons à fleurs, visiblement plus renflés, et plus arrondis que les autres. L’arbre est désormais en mesure de faire des enfants.
Au printemps suivant il va enfin montrer ses premières fleurs, qui donneront naissance aux premiers fruits.
Cette mise à fruits se fait naturellement, toute seule, quand le moment est venu. Une sorte de puberté végétale, dont rien ne peut accélérer l’apparition, et surtout pas la taille.
L’arbre fait des fruits tout seul
Aucune taille n’a été nécessaire pour obtenir cette abondante floraison, promesse de fruits à venir
Le greffage accélère a mise à fruit
Les arbres greffés fructifient beaucoup plus tôt que leurs congénères de semis. Ils sont en effet produits à partir de greffons prélevés sur des arbres ayant déjà commencé à fructifier. Et le greffon, qui en grandissant va donner la couronne de l’arbre, est déjà porteur de l’information “fruit”. Tout se passe comme si la capacité à faire des enfants concerne l’arbre tout entier, et se conserve même pour une portion -le greffon – qui a été transféré sur un sujet différent -le porte greffe.
C’est pourquoi il n’est pas nécessaire d’attendre 8 ans la première mise à fruit d’un pommier greffé.
L’arbre change de forme
Une fois la mise à fruit amorcée, elle se poursuit pendant toute la vie de l’arbre,entrecoupée parfois de périodes de repos qui laissent l’arboriculteur sur sa faim. L’arbre continue de grandir, par ses bourgeons à bois, et de fructifier par ses bourgeons à fleurs.
Chaque espèce possède son propre mode de fructification.
Dans un arbre fruitier en bon état de marche, on va trouver à la fois des zones de croissance, de déploiement de la couronne, constituées de bois jeune, et des zones fructifères, plus âgées.
A mesure que l’arbre grandit, cette fructification va agir sur la position des rameaux. C’est lourd, une grappe de fruits. Cela fait ployer les branches. De verticales qu’elles étaient, elles passent à l’horizontale, puis deviennent retombantes. C’est ce qu’on appelle l’arcure naturelle, un phénomène qu’on retrouve aussi bien sur les arbres fruitiers que les arbres d’ornement.
Si on laisse se mécanisme se poursuivre sans intervenir, on va constater :
1 – de nouvelles pousses ascendantes apparaissent dans la partie haute des arcures.
2 – ces pousses vont à leur tour se mettre à fruit, d’abord à la base, puis sur toute leur longueur. Elles vont donc elles aussi s’arquer. Se courber sur les branches déjà arquées qui les portent.
A vos sécateurs !
Et quand est-ce que je vais tailler, si ça marche vraiment tout seul. Il se trouve que les rameaux âgés sont progressivement gênés par ceux qui se courbent au-dessus d’eux.
Moins bien alimentés, manquant de lumière, ils produisent des fruits moins beaux, et finissent parfois par dépérir complètement.
On taille pour obtenir des fruits plus beaux, plus gros, plus parfumés. Sachant que les plus beaux fruits se trouvent sur les rameaux les plus jeunes, et les mieux éclairés, on va pouvoir tailler sans contrarier l’arbre dans sa dynamique naturelle.
C’est à dire couper les rameaux retombants les plus âgés -qui sont destinés à dépérir – et conserver ce qui est érigé – et qui va donner les plus beaux fruits. Toute la subtilité de la taille douce est dans le « combien on coupe » dans cet accompagnement de l’évolution naturelle des rameaux. Si on coupe tout ce qui retombe, il ne reste que les jeunes rameaux improductifs. Si on en garde trop, on n’améliore pas la qualité des fruits.
Une bonne taille douce s’articule autour de deux principes complémentaires :
- Taille d’éclaircie : il faut éclaircir, aérer la couronne. Desserrer les ramifications trop denses, les branches enchevêtrées, les rameaux doubles qui se gênent l’un l’autre. Attention, il ne faut surtout pas faire de trous ! L’idée étant que chaque rameau ait sa place, et soit correctement éclairé.
Réhabiliter les gourmands !
Imaginons des coupes un peu sévères, sur un sujet adulte en pleine production. La plupart des jardiniers ont constaté que ce type d’intervention se soldait par une sortie intempestive de jeunes pousses vigoureuses, sur lesquelles ne naissait aucun fruit. Ce sont des “gourmands”, qui ne font, dit-on, que voler la sève pour faire du bois, et rien d’autre. En réalité ils ne font que leur travail, c’est à dire reconstituer la couronne de l’arbre après des ablations excessives. Pour le reste, ils ne sont pas très différents des rameaux normaux. Ils vont évoluer de la même manière que les autres. En deuxième année commencera l’induction florale, suivie la troisième année d’une mise à fruit de la base de la pousse. Le gourmand sera devenu fertile, et c’est même lui, étant donnée sa vigueur, c’est lui qui portera les plus beaux fruits !
Avant de vous lancer
Il faut une certaine habitude pour bien doser l’intensité de la taille. Voici quelques-uns des pièges à éviter.
- Ne pas toucher à la charpente. Dans ce mode de taille, on conserve intacte la structure de base, la charpente de l’arbre.
- Pas de rajeunissement excessif. Il faut, bien entendu, supprimer les rameaux âgés, mais il faut en garder aussi une proportion suffisante. Ne pas dégarnir l’arbre pour ne conserver que le bois d’un an. Il ne resterait plus grand chose !
- Pas d’éclaircie sommaire en ménageant un puits de jour à l’intérieur de la couronne, comme cela se pratique souvent dans la méthode du gobelet. Il faut éclaircir l’ensemble du volume.
- Réfléchir au pied de l’arbre. Une fois qu’on est dans la couronne, on perd la vision d’ensemble. Il vaut mieux descendre souvent pour apprécier son travail que de couper à l’aveuglette.
- Le côté esthétique, même si il semble un critère peu objectif, peut évité les erreurs les plus grossières. Si l’arbre est encore un bel arbre après la taille, c’est très bon signe. Une taille réussie doit passer inaperçue aux yeux du profane.